Marie Cécile Aptel
2014, Pascaline Mulliez


Pascaline Mulliez, 2014
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Voici trois ans la galerie avait présenté un ensemble de peintures couvrant plus ou moins dix années de travail de Marie-Cécile Aptel. Aujourd’hui c’est une sélection d’œuvres réalisées ces deux dernières années que l’on retrouve aux murs de la cité Griset. Travaux sur papier et toiles y cohabitent, elle travaille aussi bien sur l’un de ces supports que sur l’autre. Avec obstination, la peintre expérimente ce champ des possibilités infinies qu’est l’espace de la toile ou du papier. Papier qu’elle choisit fragile, de récupération ou simple rouleau de papier de bureau dont on pourrait dire qu’elle le presque martyrise tant elle le travaille à la limite de ses capacités de résistance. Toiles et papiers sont parfois blanchis et repeints, en tous cas souvent travaillés au recto comme au verso.

L’artiste date chacune de ces peintures de l’année bien sûr, du mois mais aussi du dernier jour où elle est intervenue. Si la peintre y revient, une deuxième, voire une troisième fois, la date y est chaque fois ajoutée au dos, et comme le support de l’œuvre peut basculer et tourner sur lui-même à 90 ou 180 degrés, la date suit le mouvement et en indique l’orientation. On s’y retrouve toujours sous des dehors apparemment brouillons.

Tout semble se voir sur le châssis comme sur le papier. Marie-Cécile Aptel rend visible les différentes strates du chantier qu’est tout d’abord une œuvre ; quand il s’agit de revenir sur le travail en cours, rien n’est jamais tout à fait entièrement recouvert. La trace même de ces sédiments fait structure mais l’artiste peut tout aussi bien utiliser le blanc pour censurer ce, qui dans les étapes précédentes ne doit pas être perçu.

Marie-Cécile Aptel utilise presque « textuellement » les éléments fondamentaux de l’abstraction d’un Vassily Kandinsky : point, ligne, plan. Elle structure son espace à l’aide de cette géométrie qui permit à la peinture de s’affranchir des contraintes de la représentation. Simplement, si l’artiste reprend à son compte ces deux composantes conquises historiquement, elle les met à mal elles aussi, à l’instar de ses toiles et papiers.

Les couleurs -comme de juste- sont fondamentales ou primaires, rarement mélangées, elles se recouvrent parfois partiellement ou non mais n’usent presque jamais de leur pouvoir de transparence. Les formes sont en revanche approximatives, fragiles, brèves, hâtives, elles se juxtaposent mais de manière aléatoire, posées côte à côte elles sont répétitives sans être identiques pour autant. Quelque mot, chiffre ou lettre ponctuent arbitrairement l’espace sans que leur sens ne soit ici convoqué, ils ont seule valeur picturale. Quant au geste, il est brut, sommaire presque archaïque et confine parfois au gribouillis ; l’habileté est ailleurs.

On est loin de la rigueur géométrique. C’est peut être la formation initiale de l’artiste au dessin qui, primant sur la conquête plus lente de la peinture, explique cela. Marie-Cécile Aptel aurait conservé dans ses peintures l’esthétique singulière à la discipline du dessin, à savoir ce caractère d’exercice où s’appréhende l’espace, où s’éprouve la forme et où s’expérimente la couleur.